Une augmentation des leucémies à proximité des centrales nucléaires avait été rapportée pour la première fois dans les années 1980 en Angleterre. A cela, le gouvernement anglais avait répondu que les causes en restaient inconnues mais n’impliquaient probablement pas les radiations. Récemment le KIKK (Kinderkrebs in der Umgebung von KernKrafwerken = Cancer de l’enfant à proximité des centrales nucléaires) a relancé le débat en mettant en évidence une augmentation de 54% des cancers et de 76% des leucémies chez les enfants de moins de 5 ans vivants à moins de 5 kilomètres des 15 centrales nucléaires en Allemagne.
Les scientifiques ont examiné la survenue de cancers et de leucémies entre 1980 et 2003, comparant chez des enfants de moins de 5 ans, 1592 enfants avec cancer par rapport à 4735 enfants sans cancer (contrôle) et 593 enfants avec une leucémie par rapport à 1766 enfants sans leucémies (contrôle). L’étude a été commanditée par un organisme gouvernemental Allemand, l’Office Allemand de la protection contre les radiations.
Précédemment, une étude menée en Angleterre (Bithell & al) retrouvait une faible augmentation des leucémies de l’enfant dans un rayon de 5 km auprès de 13/14 centrales nucléaires tout comme une étude française (Laurier &t al), mais dans un rayon de 10 kms autour des centrales nucléaires françaises. Pourtant les chiffres étaient faibles et ont été considérés comme non significatifs. Ces études ont incorrectement conclu qu’il n’y avait pas de lien entre réacteurs nucléaires et leucémie disent les auteurs, critiquant les méthodes statistiques et le faible échantillons de patients. Les résultats extrêmement forts apportés par KiKK suggère un lien et cela quel que soit le pays ou les réacteurs nucléaires sont implantés.
Ces résultats sont d’ailleurs renforcés par un analyse de 17 études permettant d’avoir suffisamment de patients pour permettre des statistiques fiables (Bakel et Hoel) couvrant 136 sites nucléaires en Angleterre, USA, Allemagne, Japon et Espagne. Cette étude retrouve des leucémies augmentées de 14% à 21% chez les enfants de moins de 9 ans et une mortalité due à la leucémie augmentée de 5% à 24%. Une étude plus récente de l’équipe Française (Laurier et al 2008) est arrivé aux même conclusions mais leur auteurs “ont hésité à généraliser leurs découverte”.
Les rejets radioactifs provenant des réacteurs nucléaires se font par émission dans l’air et dans les cours d’eau ou directement dans la mer si elle est située à proximité. Plusieurs études démontre le lien entre proximité des centrales et contamination de l’air. Les émissions de tritium dans la vapeur d’eau (la fumée blanche des cheminées), de carbone 14 et de gaz radioactifs (Kr, Ar, Xe), sont augmentées dans les végétations et les aliments produits à proximité des centrales (voir les schémas ci-dessous). Pourtant cette hypothèse liant rejets et risques de cancers et de leucémies est constamment écartée par les organes officiels, maintenant que ces rejets sont très faibles.
Les cancers et les leucémies peuvent venir d’un effet tératogène, la radioactivité influant directement sur l’enfant avant sa naissance. L’étude de KiKK retrouve un nombre important de cancers embryonnaires. Une autre cause peut être les pics brutaux d’émissions radioactives de carbone, d’hydrogène et de tritium lors du remplacement du carburant radioactif. Les cellules embryonnaires en formation absorberaient alors directement du tritium et du carbone 14, entrainant la formations de cellules préleucémiques qui aboutiront à une leucémie après quelques années. La contamination peut également provenir de la mère car le tritium absorbée par elle se retrouvera majoritairement dans les tissus foetaux. Enfin, d’autres études ont également montré que les foetus sont beaucoup plus radiosensibles qu’il n’est aujourd’hui admis, à tel point qu’un cumul de dose de 1 mGy par an serait déjà source d’une augmentation importante des leucémies. Il faut rappeler que la leucémie est une maladie des cellules souches de la moelle, des cellules largement plus radiosensibles que les autres cellules de l’organisme, parfois jusqu’à 100 fois plus (Ohtaki et al).
Au total cette étude confirme un risque élevé de cancers et de leucémies chez les enfants de moins de 5 ans vivant à proximité des centrales nucléaires et pose de nombreuses questions parmi lesquelles l’information des femmes enceintes et des femmes en âge de procréer vivant à proximité de ces centrales nucléaires.
Elle nous rappelle par ailleurs que la production d’énergie nucléaire semble moins “verte” qu’elle n’y parait
Pics de relargage aérien de carbone 14 (centrale nucléaire en allemagne)
Source
Article principal
Commentary: childhood cancer near nuclear power stations
Ian Fairlie
Environmental Health 2009, 8:43 doi:10.1186/1476-069X-8-43
A lire également (articles cités dans l’étude)
Risk of childhood leukemia in the vicinity of nuclear installations–findings and recent controversies
Laurier D, Grosche B, Hall P:
Acta Oncol 2002, 41(1):14-24.
Incidence des leucémies infantiles à proximité des installations nucléaires : résultats d’une étude multi-sites en France
ML White-Koning, D Hémon, D Laurier, M Tirmarche, E Jougla, J Clavel
Journal of Cancer 2004
Meta-analysis of standardized incidence and mortality rates of childhood leukemias in proximity to nuclear facilities
Baker PJ, Hoel D
Eur J Cancer Care 2007, 16:355-363.
Epidemiological studies of leukaemia in children and young adults around nuclear facilities: a critical review
Laurier D, Jacob S, Bernier MO, Leuraud K, Metz C, Samson E, Laloi
P: Radiat Prot Dosimetry 2008, 132(2):182-90.
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Juste deux précisions :
– Le tritium n’est pas rejeté avec la vapeur d’eau dans les aéroréfrigérants (la fumée blanche justement), mais à la cheminée de rejet de la centrale (cheminée tout à fait conventionnelle qui ne fume pas ou très peu).
-la dose de 1 mGy mentionnée est à peu près égale la limite légale admissible pour le public (1mSv), dose qui n’est jamais atteinte en pratique (chiffre disponibles publiquement)