Malgré les récents progrès de la science ayant permis l’allongement de la vie, l’épidémie d’obésité pourrait bien réduire cet acquis. Les facteurs de risque cardiovasculaires sont fréquents chez les enfants et la précocité du diabète ne fait que croître au sein de cette population. Aujourd’hui les conséquences des facteurs de risques cardiovasculaires chez l’adulte sont bien connus. Ce n’est pas le cas chez l’enfant. Cette étude publiée dans la prestigieuse revue américaine The New England Journal Of Medecine, a voulu évaluer jusqu’à quel point, une obésité, une intolérance au glucose (un stade précurseur d’un diabète), une hypertension, et une hypercholestérolémie diagnostiquée chez des enfants prédisaient une mortalité précoce (décès avant 55 ans). Des enfants d’origine indienne-américaine (indiens Pima et Tohono O’odham) ont été sélectionnés car cette population a subi de plein fouet l’impact du mode de vie occidental, qui a contribué, par un changement majeur et brutal de leur alimentation, à développer en leur sein les pathologies majeures de notre civilisation : obésité, hypertension, hypercholestérolémie, diabète, maladies cardiovasculaires, alcoolisme, usages de drogues.
Un groupe de 4857 enfants, indiens américains, ayant une moyenne d’âge de 11 ans, a été inclus dans l’étude de suivi. 1400 étaient obèses, 200 avaient une intolérance au glucose, 607 une hypertension, 182 une hypercholestérolémie. Le suivi a duré en moyenne 24 ans.
559 (11,5%) sont décédés durant cette période, 393 de causes exogènes et 166 de causes endogènes : 59 de maladies du foie d’origine alcoolique, 22 de maladies cardiovasculaires, 21 d’infections, 12 de cancers, 10 de diabète, 9 cas d’intoxication alcooliques aiguë ou lié aux drogues.
-> Les 25% d’enfants avec l’indice de masse corporel le plus élevé ont eu une mortalité double par rapport aux 25% des enfants avec l’IMC le moins élevé. Les enfants obèse ont eu une mortalité globale endogène augmentée de 31% et une mortalité exogène augmentée de 13%.
-> Les 25% d’enfants avec l’intolérance au glucose la plus forte ont eu une mortalité augmentée de 73% par rapport aux 25% des enfants l’intolérance au glucose la moins forte.
En revanche le cholestérol et l’hypertension artérielle n’a pas montrée d’association à une cause particulière de décès, bien que l’hypertension dans l’enfance s’associe avec une mortalité endogène globale plus forte de 57%.
L’obésité de l’enfant montre une modification métabolique précoce, alors que les autres facteurs de risque évoluent plus tardivement. Cette étude complète une étude des même auteurs qui avaient précédemment montré que la survenue d’un diabète de type 2 dans l’adolescence était prédictif de mortalité précoce et d’insuffisance rénale.
Au XXI ème siècle, on estime que 15% des enfants seront obèses au Etats-Unis (les projection sont à peu près similaires en France). Cette étude reflète probablement ce qui va toucher les enfants de notre civilisation dans quelques années. Notre échec à combattre et à éviter l’obésité des enfants sera lourde de conséquence sur leur qualité de vie et leur durée de vie.
Source
Childhood Obesity, Other Cardiovascular Risk Factors, and Premature Death
Paul W. Franks, Robert L. Hanson, William C. Knowler, Maurice L. Sievers, Peter H. Bennett, Helen C. Looker
NEJM february 11, 2010 vol. 362 no. 6
Crédit Photo Creative Commons by colros
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je suis très surprise des conclusions de cette étude : l’alcoolisme chronique (cause très majoritaire de décès prématuré dans cette population) est une cause endogène ? en quoi peut-il être relié à l’obésité infantile (en dehors de facteurs psychologiques éventuellement) ? comment tirer des conclusions sur une population d’indiens d’amérique du nord qui est hautement victime de l’alcoolisme et possède un patrimoine génétique la prédisposant au diabète… quelqu’un peut-il éclairer mon avis ?…
En fait ce qui est considéré comme endogène, ce sont surtout “les maladies du foie d’origine alcoolique” pour reprendre les termes exactes des auteurs, plutôt que l’alcoolisme chronique (corrigé dans le texte pour une meilleure compréhension). Si l’alcool a bien évidemment un impact sur le foie, la surcharge en graisse contribue aussi à son altération.
L’intérêt pour les auteurs de caractériser cette population particulière est de poser comme constat de départ à l’étude qu’elle représente ce que pourrait être la population générale des enfants dans le futur si rien n’est fait pour enrayer l’explosion de l’obésité infantile, et donc son incidence sur la mortalité globale qui pourrait effacer les progrès thérapeutiques des 50 dernières années.
Merci de vos commentaires pertinents.
Thierry MONOD