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Pourquoi Médecin Sans Frontière quitte le Turkmenistan?

14 mai 2010
Par Thierry MONOD

MSF, Médecin Sans Frontière, a décidé de quitter le Turkmenistan en 2009 après dix années de présence. L’association  explique cette décision prise à contre-coeur dans un rapport publié en avril 2010. En effet, sa présence l’aurait rendue complice des pratiques menées par le gouvernement du Turkmenistan, actuellement dirigé par Gurbanguly Berdimuhamedov. « Le peuple du Turkmenistan est trompé par son système de santé, par son gouvernement et par la communauté internationale » dit le rapport de MSF en introduction. « La vitrine du Turkménistan sur son système médical et sa prospérité à la communauté internationale masque un dangereux problème de santé publique, étant donné que l’existence des maladies infectieuses est niée. En outre, les données médicales sont systématiquement manipulées et les protocoles et normes internationales sont rarement mis en application ».

En fait les statistiques médicales sont falsifiées ou manipulées et les personnels de santé risques des amendes, un licenciement voir un emprisonnement si les statistiques médicales ne sont pas conformes aux prévisions des qutas : « Les travailleurs de la santé opèrent dans un climat de peur, refusent des patients dans un état critique de manière à ne pas avoir d’impact négatif sur les statistiques relatives à la mortalité maternelle et infantile ou les maladies transmissibles ». MSF témoigne de l’emprisonnement de plusieurs médecins au cours de sa présence sur place.

Ainsi, des patients jugés trop gravement atteints sont refusés à l’admission des hôpitaux et d’autre, s’aggravant au cours d’une hospitalisation sont sortis de l’hôpital afin de ne pas influencer les statistiques de la mortalité hospitalière. Dans les cas cités par le rapport de MSF, il s’agissait d’enfants. La définition d’une « naissance vivante » au Turkmenistan est toujours celle qui avait cours dans les pays soviétiques ; les enfants nés avant 28 semaines, pesant moins de 1000 grammes et mesurant moins de 35 centimètres ne peuvent être considérés comme vivants. Une des méthodes utilisées pour conserver des statistiques de mortalité infantile basses consiste dans ces cas à ne pas réaliser de réanimation à la naissance et à déclarer l’enfant mort-né, cette définition n’entrant pas dans les statistiques. Les équipes de MSF ont pu apporter dans des cas semblables les soins nécessaires démontrant aux médecins locaux qu’il était possible de sauver ces enfants. Officiellement, le taux de mortalité infantile est inchangé au Turkmenistan.

Pourtant les problèmes de santé publique sont majeurs : « Il est indéniable que la tuberculose et les infections sexuellement transmissibles, comme le VIH/sida, sont plus répandues que les chiffres officiels ne le montrent, et que le gouvernement turkmène refuse de reconnaître cette réalité », explique le Docteur Leslie Shanks, le directeur médical de MSF. « La tuberculose, en particulier dans sa forme résistante à plusieurs substances médicamenteuses, est peut-être la menace de santé publique la plus sérieuse. Étant donné sa prépondérance dans plusieurs pays voisins, MSF craint une épidémie de tuberculose au Turkménistan qui, sans une intervention immédiate et significative, mènera à une crise sanitaire majeure avec des répercussions régionales plus importantes. Un diagnostic et un traitement rapide contre la tuberculose résistante aux médicaments devraient être mis en place immédiatement avec le soutien d’experts internationaux ». Le traitement actuel de la tuberculose reste celui de l’époque soviétique. Les patients reconnus atteints bénéficient d’un traitement saisonnier associant isionazide et rifampicine aux mois de mars/avril et en septembre/octobre, ceci pendant 5 ans. Cette méthodologie archaïque met les patients en grave danger de développer une résistance aux antibiotiques. Quant-au HIV, il n’y a officiellement pratiquement aucun cas au Turkmenistan, deux patient ont été déclarés en 2006 dont l’un est mort du sida. La conséquence est que les transfusions sanguine se font sans aucune recherche du virus HIV, ni d’autres virus tel que l’hépatite par exemple. Il y a pourtant de nombreux adeptes des drogues injectables dans le pays. Des rapports non officiels font état d’une épidémie du HIV en progression.

Le Dictateur Turkmen,  Saparmyrat Nyýazow décédé en 2006 était le chef de cette ex-république socialiste soviétique. L’accession au pouvoir de son vice-ministre, Gurbanguly Berdimuhamedov, n’a rien changé à la situation locale en particulier sanitaire. L’ouverture de façade à la communauté internationale masque la poursuite des anciennes pratiques et en particulier celui de la manipulation des statistiques de santé.

MSF fait trois recommandations en conclusion : Un diagnostic et un traitement urgent des tuberculoses résistantes doit être mis en place sous le contrôle d’experts internationaux, les produits dérivés du sang doivent être testés pour l’hépatite A, l’hépatite B, la brucellose, le HIV et la syphilis et les erreurs du passé doivent être analysées sans délai. Les organisations gouvernementales doivent cesser de publier des statistiques falsifiées et doivent promouvoir une transparence du système de santé local.

Sources

Turkmenistan’s opaque health system (PDF téléchargeable)
Médecin Sans Frontière
Avril 2010

Site internet MSF

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