Dimanche 24 août 2014

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Réadaptation cardiaque après un infarctus : Champagne-Ardenne, pire région de France

Façade_de_la_cathédrale_de_Troyes

Les maladies cardiovasculaires sont parmi les premières causes de mortalité dans notre pays après les cancers. Les infarctus du myocarde, une nécrose du muscle cardiaque liée au blocage des vaisseaux lui apportant nutriments et oxygène, sont une pathologie très fréquente en France, touchant 120 000 patients par an.  Si cette pathologie tue moins qu’avant, grâce à la prise en charge médicale comme l’angioplastie en phase aiguë, ou la prescription de médicaments, il existe une autre prise en charge fondamentale, la réadaptation cardiaque qui réduit la mortalité et améliore la qualité de vie après un infarctus.

Cette réadaptation cardiaque comporte un réentraînement physique (avec apprentissage des activités d’entretien physique à poursuivre à long terme), l’optimisation thérapeutique (adaptation du traitement en fonction de la tolérance clinique au repos et à l’effort), l’éducation thérapeutique et le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire (principalement tabac, diabète, hypercholestérolémie, hypertension artérielle, activité physique, équilibre nutritionnel). Ainsi, au lieu de rentrer chez vous immédiatement après un infarctus, vous pouvez bénéficier d’une hospitalisation de 3 semaines pour une rééducation cardiaque. Cette prise en charge est un atout pour le futur des malades. Malheureusement en France, peu y ont accès.

En France en effet, seulement 23% des patients vont bénéficier d’une réadaptation cardiaque : l’âge moyen des patients est de 58,6 ans. Et alors que 36% des patients faisant un infarctus (non mortel) sont âgés de plus de 75 ans, cette tranche d’âge ne représente que 11% des patients qui bénéficient d’une rééducation cardiaque. La discrimination en fonction de l’âge est sévère. Même discrimination pour les femmes  qui ne représentent qu’un tiers des patients admis.

La capacité de  bénéficier d’une réadaptation cardiaque dépend en fait beaucoup de la capacité d’accueil des infrastructures médicales : ainsi 91%  des patients habitent la région où ils sont hospitalisés : et c’est là encore une discrimination supplémentaire, peut-être la plus flagrante, car si la proportion de patients hospitalisés en réadaptation cardiaque après un infarctus sera de 36% dans la région Centre elle ne sera seulement que de 10% en Champagne-Ardenne (Président: Jean-Paul BACHY), une région médicalement sinistrée? La région Champagne-Ardenne est l’une des pires régions de France pour ce type d’hospitalisation, à peu près au niveau de l’île de la Réunion, qui n’est pas un modèle du genre. 

Mais ce n’est pas la seule : la  capacité régionale d’accueil en réadaptation cardiaqueest au moins 20%    inférieure à la moyenne Française qui  n’est déjà pas élevée,  dans les régions Champagne-Ardenne, Pays de la Loire, Picardie, Auvergne, Nord-Pas-de-Calais et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dans ces régions, le taux d’hospitalisation post-infarctus des patients de plus de 75 ans, tombe même parfois à 2,5%, un véritable abandon.

Alors qu’il est aujourd’hui démontré que la réadaptation cardiaque après infarctus réduit la mortalité toutes causes, la mortalité cardiaque, et améliore la qualité de vie et la reprise de l’activité professionnelle sans avoir d’effet secondaire, la France montre le visage d’un sous médicalisation dramatique pour la prise en charge des patients après un infarctus du myocarde.

Les médecins n’en portent pas la responsabilité mais bien sur encore une fois, la fonction publique et les élus, investisseurs et décideurs en matière de santé, une santé régionale dorénavant sous la coupe des  ARS (Agence de Santé régionale) qui montrent, là, le visage d’une incapacité pénible et parfois mortelle. Les victimes de cette incapacité politique seront surtout les malades les plus âgés et les femmes sans oublier les habitants de Champagne-Ardenne. Imaginez ce que devient une femme de plus de 75 ans après un infarctus dans cette région!

Pour mieux comprendre, voyons les principes défendus par l’ARS Champagne-Ardenne (Directeur général : Jean-Christophe PAILLE), la pire région de France concernant la rééducation cardiaque après infarctus du myocarde : le PSRS, comprenez le Plan Stratégique de Santé Régionale (disponible sur internet) indique pourtant les principes qui le guident  :
- l’accès effectif des assurés aux soins
- la continuité, la coordination et la qualité des soins
- le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains avec l’objectif de répondre de façon adaptée aux besoins de chacun d’entre eux
- la protection des plus fragiles, et particulièrement des catégories de personnes « à risque » : l’enfance, les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes en situation d’exclusion. L’accès à la prévention et aux soins de ces catégories de personnes constitue un objectif prioritaire de la politique de santé.

Il apparait très clairement qu’aucun de ces objectifs ne sont complétés en ce qui concerne la prise en charge du post-infarctus : la disparité régionale est inquiétante, les vieillards sont abandonnés à leur sort, comme les femmes! Pourtant, les « 3 priorités nationales pour l’élaboration des projets régionaux de santé » retenues par le comité national de pilotage des ARS pour l’élaboration des projets régionaux de santé sont les suivantes :

-  Améliorer l’espérance de vie en bonne santé,
-  Promouvoir l’égalité devant la santé,
-  Développer un système de soins et de santé de qualité, accessible et efficient.

Or l’étude publiée dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire démontre exactement le contraire. Elle démontre qu’aucun de ces 3 objectifs, concernant une des pathologies tuant le plus grand nombre de français chaque année n’est respecté, ni ne le sera avant longtemps.

Une fois encore, le constat est posé que, si les intentions affichées sont indispensables, elles ne sont là que pour camoufler une indigence sanitaire nationale et ne résistent pas à l’étude sur le terrain de la prise en charge réelle des patients. La fonction publique se révèle incapable de gérer la santé publique, et l’étatisation sanitaire n’a abouti qu’a mettre en place une médecine low-cost, évidemment camouflée mais bien présente. Les ARS et leur ministère de tutelle en porte toute la responsabilité. ARS, n’est-ce pas d’ailleurs encore un acronyme que l’on changera quand le scandale de leur incapacité les exposera ?

Source

Réadaptation cardiaque hospitalière après infarctus du myocarde en France : apports du PMSI-SSR
Cardiac rehabilitation after acute myocardial infarction (AMI) in France according to national post-acute hospitalization database. Christine de Peretti, Javier Nicolau, Francis Chin, Philippe Tuppin, Nicolas Danchin, Sandrine Danet, Marie-Christine Iliou

Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 4 Février 2014

Crédit Photo Wikipedia Troyes 

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