Le tabagisme au cours en grossesse est la première cause évitable de morbidité et de mortalité à la fois pour la mère et pou l’enfant à naitre. Fumer au cours de sa grossesse expose à un risque augmenté de fausse couche, de petit poids de naissance, de prématurité, d’anomalies congénitales et de risque de mort subite du nourrisson. On estime que, dans les pays développés, 13% à 25% des femmes enceintes fument.
Mais comment aider les fumeuses enceintes à suspendre leur tabagisme? Il existe un consensus selon lequel l’utilisation de patch de nicotine au cours de la grossesse présente moins de risque que de continuer à fumer. Pourtant, des études sérieuses manquent pour affirmer cela scientifiquement.
Des scientifiques anglais ont donc mené une étude auprès de 1050 femmes enceintes de 12 à 24 semaines, âgées de 16 à 50 ans, et qui fumaient au moins 5 cigarettes par jour. En plus d’un accompagnement pour cesser leur tabagisme, la moitié des participantes utilisait un patch de nicotine dosé à 15 mg/jour, l’autre moitié un patch placebo. Les scientifiques ont évalué la durée de l’abstinence tabagique et cela jusqu’à l’accouchement. En moyenne, les femmes participant à l’étude fumaient 20 cigarettes par jour avant leur grossesse et avait un peu diminué, en fumant environ une quinzaine, au moment de l’entrée dans l’étude. Plus de la moitié (53%) fumaient leur première cigarette dans le 1/4 d’heure qui suivait le lever, montrant une dépendance importante au tabac. 75% avaient un partenaire fumeur.
Au début de l’étude, le nombre d’arrêt du tabac a été de 21% dans le groupe patch nicotine contre 12% dans le groupe patch placebo. Mais seulement 9,4% des femmes recevant le patch de nicotine se sont abstenues de fumer jusqu’à leur accouchement contre 7,6% des femmes du groupe placebo. L’étude démontre donc que l’utilisation de patchs de nicotine en cours de grossesse n’est pas plus efficace qu’un placebo pour obtenir un arrêt du tabagisme.
Ces mauvais résultats peuvent s’expliquer en partie par la très mauvaise compliance des patientes aux patchs : Seulement 7,2% des femmes du groupe patch nicotine et 2,6% du groupe patch placebo ont suivi le traitement plus de 1 mois. Il faut noter que cette population étaient très dépendant du tabac puisque 53% fumaient dans le ¼ d’heure suivant le lever. Le nombre important de suspension de traitement ne peut être expliqué par la survenue d’effets secondaires : ils n’ont contribué qu’à 8% des arrêts dans le groupe nicotine et 4% dans le groupe placebo. Le taux d’effets secondaires ont été comparables dans les deux groupes hormis un plus grand nombre de césariennes dans le groupe nicotine, Cependant, pour les auteurs, un grand essai clinique serait nécessaire pour affirmer l’innocuité de la nicotine pendant la grossesse, trop de femmes n’ayant dans cette étude, pas pris ou pas suivi correctement le traitement.
D’ailleurs, le Center for Disease Control américain ne recommande pas l’utilisation de substituts nicotiniques au cours de la grossesse, car la nicotine peut affecter le fœtus. Une seconde étude publiée il y a quelques jours dans la revue Pediatrics par des scientifiques des Pays-Bas, réalisée chez 63 000 enfants, démontrait que l’exposition des fœtus à la nicotine, absorbé par le biais du tabagisme ou de patch, augmentait le risque de coliques chez le nouveau-né.
Les coliques se définissent, après quelques semaines de vie, par un enfant qui crie et hurle de manière disproportionnée, et reste inconsolable pendant au moins 3 heures par jour, 3 jours par semaine. Pour ces scientifiques, la nicotine pourrait endommager les récepteurs à la sérotonine au niveau intestinal.
Si certains spécialistes pensent que la nicotine est plus rapidement métabolisée chez la femme enceinte et qu’un seul patch de 15 mg reste insuffisant pour apporter une efficacité, pour les auteurs de l’étude publiée dans le New England Journal of Medicine, l’utilisation de substituts nicotiniques ne semble pas être la bonne réponse chez la femme enceinte, sauf peut-être chez certaines patientes. Il est nécessaire de faire un travail individuel avec chaque femme enceinte qui fume afin de l’aider à abandonner cette habitude, non seulement pour une meilleure santé de son bébé mais aussi d’elle-même.
Source
A randomized trial of nicotine-replacement therapy in pregnancy
Tim Coleman, M.D., Sue Cooper, Ph.D., James G. Thornton, M.D., Matthew J. Grainge, Ph.D., Kim Watts, Ph.D., John Britton, M.D., and Sarah Lewis, Ph.D. for the Smoking, Nicotine, and Pregnancy (SNAP) Trial Team
N Engl J Med 2012; 366:808-818 March 1, 2012
Ioanna Milidou, Tine Brink Henriksen, Morten Søndergaard Jensen, Jørn Olsen, Charlotte Søndergaard
Pediatrics 2012; 129:3 e652-e658; published ahead of print February 20, 2012, doi:10.1542/peds.2011-2281
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Le 1er article ne peut pas être retenu: pas de test de fagerstrom, une consommatrice de 25 cigarettes est différente de celle qui en fume 6, la durée du tabagisme n’est pas notée. Débuter avec un patch à 15mg est inefficace, ce qui peut expliquer la faible observance et le manque de résultats. Il aurait été bon de faire relire cet article à un tabacologue.
Eric DOURIEZ
Bonjour,
Les auteurs anglais qui publient cet article dans le dernier numéro du New England font justement partie, pour certain d’entre eux du “U.K. Centre for Tobacco Control Studies and National Institute for Health Research School for Primary Care Research”, en clair des spécialistes de la tabacologie.
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