vendredi 4 décembre 2015

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Les femmes qui fument comme les hommes, meurent comme les hommes

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Le tabac est peut-être la plus grande cause de décès évitables au sein de nos sociétés ; aucun fumeur ne doit l’ignorer. Deux nouvelles études publiées dans la revue américaine The New England Journal of Medicine, rappellent combien la tolérance politique vis-à-vis du tabac continue de détruire un nombre incroyable de vies d’homme et de femmes jeunes.

Une première étude a suivi 113 752 femmes et 88 496 hommes, âgés de 25 à 79 ans : 10 ans après qu’ils aient répondu à un questionnaire, les scientifiques ont évalué les causes de mortalité au sein du groupe. La mortalité des fumeurs hommes ou femmes étaient trois fois plus élevée que celle des non fumeurs. Cet excès de mortalité était lié aux pathologies connues pour être provoquées par le tabac : cancers, maladies vasculaires,  maladies respiratoires et autres. Les chance de survivre de 25 à 79 ans est deux fois plus importante chez les non fumeurs : si les femmes non fumeuses ont 70% de chance d’atteindre 79 ans, les fumeuses n’ont que 38% de chance ; si les hommes non fumeurs ont 61% de chance d’atteindre 79 ans, les fumeurs n’ont eu que 26% de chance de vieillir aussi longtemps. Si vous fumer, ce sont 10 années d’espérance de vie qui disparaissent.

En revanche arrêter de fumer le plus tôt possible reste bénéfique : En comparaison à ceux poursuivant leur intoxication tabagique, arrêter de fumer entre 25 et 34 ans fait gagner 10,9 années de vie, arrêter entre 35 et 44 ans fait gagner 9 années de vie et arrêter entre 45 et 54 ans permet encore de sauver 6 années de vie. 

Une seconde étude a évalué les tendances de la mortalité liée au tabac au cours de trois périodes, 1959-1965, 1982-1988 et 2000-2010. Les résultats mettent en évidence l’efficacité du marketing des firmes de l’industrie du tabac et la passivité des autorités de santé face à cette conquête de nouveaux clients que furent les femmes. Le risque de mourir d’un cancer des poumons pour les femmes fumeuses était, pour les 3 périodes, multiplié par 2.73, 12.65 et 25.66, une croissance majeure en 50 ans. Pour les hommes fumeurs, le risque a tout d’abord augmenté puis s’est stabilisé, atteignant respectivement un risque multiplié par 12.22, 23.81 et 24.97 (en comparaison aux non fumeurs). Ainsi, le risque de cancer des poumons chez les femmes fumeuses a rejoint celui des hommes, témoignant de la forte augmentation de la consommation de tabac chez les femmes au cours des 50 dernières années.

Une femme fumeuse a dorénavant 50% de risque supplémentaire de décéder, que dans les années 1980. Cette égalité nouvelle, conquise par les femmes grâce au marketing appuyé de l’industrie du tabac, est par exemple atteinte vis-à-vis du risque de décès par broncho-pneumopathie chronique obstructive (risque à 25.61 pour les hommes et 22.3 pour les femmes), par accident ischémique cardiaque (2.5 pour les hommes et 2.86 pour les femmes), ou par accident vasculaire cérébral (1.92 pour les hommes et 2.10 pour les femmes). Ce résultat avait été prédit par des études épidémiologiques et très peu a été tenté pour l’inverser. Aujourd’hui, il est donc démontré pour la première fois que les femmes qui fument comme les hommes, meurent comme des hommes.

La mortalité par broncho-pneumopathie chronique obstructive continue d’augmenter notent les auteurs, probablement grâce aux évolutions techniques des cigarettes, implémentées par les industriels du tabac. En particulier, l’introduction de tabac génétiquement modifié a abaissé l’acidité de la fumée permettant des inhalations plus profondes, nécessaires à l’absorption de la nicotine ; un papier plus poreux et des filtres perforés ont également dilué la fumée. La combinaison d’inhalations plus profondes et d’une fumée diluée augmente l’exposition du parenchyme pulmonaire. Ce sont ces évolutions techniques, fruits d’une recherche scientifique particulière, qui ont également modifié le type de cancers pulmonaires, générant une réduction des cancers centraux des voies aériennes au profit des adénocarcinomes pulmonaires périphériques, plus difficiles à traiter et plus mortels, car difficilement accessibles à la chirurgie.

Il est cependant noté une réduction du tabagisme après 45 ans, peut-être grâce aux efforts menés pour abandonner le tabac mais aussi du fait du décès des fumeurs plus jeunes. La plupart des fumeurs commencent avant l’âge de 20 ans mais 15% des femmes débutent leur intoxication après 25 ans, deux données montrant l’absolue nécessité de tout faire pour éviter les débuts du tabac chez les plus jeunes avec des campagnes anti-tabac adaptées. Actuellement plus de femmes meurent d’un cancer des poumons que d’un cancer du sein; il n’y a pourtant aucune mobilisation comparable contre le cancer des poumons.

La nécessité d’une plus grande attention des législateurs visant à réduire la prévalence du tabagisme persiste car, comme le disait le ministre de la santé Australien Nicola Roxon, “Nous tuons des gens en ne faisant rien ».

Source

21st-Century Hazards of Smoking and Benefits of Cessation in the United States
Prabhat Jha, M.D., Chinthanie Ramasundarahettige, M.Sc., Victoria Landsman, Ph.D., Brian Rostron, Ph.D., Michael Thun, M.D., Robert N. Anderson, Ph.D., Tim McAfee, M.D., and Richard Peto, F.R.S
N Engl J Med 2013;368:341-50.

50-Year Trends in Smoking-Related Mortality in the United States
Michael J. Thun, M.D., Brian D. Carter, M.P.H., Diane Feskanich, Sc.D., Neal D. Freedman, Ph.D., M.P.H., Ross Prentice, Ph.D., Alan D. Lopez, Ph.D., Patricia Hartge, Sc.D., and Susan M. Gapstur, Ph.D., M.P.H.

N Engl J Med 2013; 368:351-364January 24, 2013

New Evidence That Cigarette Smoking Remains the Most Important Health Hazard
Steven A. Schroeder, M.D.
N Engl J Med 2013; 368:389-390 January 24, 2013

Crédit Photo Creative Commons by Philipp Spreckels

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