Mardi 28 octobre 2014

Docbuzz

Retrouvez Docbuzz sur Twitter

Docbuzz est aussi sur Facebook

Newsletter

ChargementChargement


Contraception : pilule 2eG, 3eG, anneau, DIU, patch, quel risque thromboembolique pour quel dispositif ?

4557648028_e709b1f92d_z

A l’heure où la pression médiatique se fait de plus en plus forte sur la pilule contraceptive, à l’heure où les journalistes découvrent que la pilule est un médicament doté de bénéfices mais aussi de risques potentiellement mortels, à l’heure où une société qui prenait la pilule comme un hostie quotidien sort brutalement de son inculture scientifique, une analyse du risque thromboembolique publiée par une équipe Française éclaire la polémique.  Il est bien documenté depuis les années 1960 (soit depuis plus de 50 ans) que les combinaisons hormonales à visée anti-ovulatoire accroissent le risque thromboembolique.  Thrombose veineuse (un caillot bouche une veine) ou embolie pulmonaire (un caillot va obstruer les vaisseaux des poumons) sont assez rares avant la ménopause, mais deviennent de plus en plus fréquentes à mesure que les femmes avancent en âge. On estime que le risque annuel est de 1 pour 10 000 femmes en âge de procréer. Ce risque double en fait de 20 à 40 ans : à 45 ans, on estime le risque annuel à 1 accident thromboembolique pour 1000 femmes, avec 10% qui seront fatals (soit 10 décès pour 100 000 femmes). Ainsi avant même de parler de pilule, ce risque existe chez les femmes, plus ou moins, en fonction de certains facteurs comme le poids ou des troubles congénitaux de la coagulation sanguine. Pourtant, au cours des 10 dernières années, ce risque semble avoir quadruplé. La prise de pilule peut expliquer une partie de cette augmentation. Sur 10 000 femmes prenant la pilule, 7 feront un accident thromboembolique dans l’année.

Au début, les pilules contraceptives combinées contenaient  150–100 mg  d’ethinylestradiol ou de mestranol, et un progestagènes de synthèse*(un dérivé synthétique de la progestérone ou de la testostérone : Les progestagènes diffèrent entre eux dans leur puissance (affinité pour les récepteurs de la progestérone) et leurs effets secondaires. androgènes (la médroxyprogestérone et la plupart des progestagènes C19), antiandrogènes (acétate de cyprotérone), œstrogènes, glucocorticoïdes ou anti-minéralocorticoïdes) telle que l’acétate de noréthistérone ou la noréthindrone. Du fait des premières constatations d’évènements cardiovasculaires sous pilule, leur composition a évolué. Ces pilules combinées contiennent dorénavant 15–50 mg d’ethinylestradiol ou d’œstradiol naturel ayant une activité progestogénique accrue et donc, moins d’effets négatifs androgéniques, moins d’acné ou d’hirsutisme et moins de troubles des lipides.

Les pilules dites de seconde génération contiennent soit du norgestrel ou du lévonorgestrel, et les pilules, dites de troisième génération, et apparues dans les années 1980, contiennent du norgestimate, du désogestrel ou du gestodène.

Récemment ont été introduit des contraceptifs combinées à délivrance non oral, comme l’anneau vaginal ou le patch transdermique.

A côté des pilules combinées, existent des pilules contenant uniquement un progestagène ; elles furent d’ailleurs les premières pilules existantes, dont la mauvaise tolérance utérine, provoquant parfois des cycles mal contrôlés et des pertes de sang inattendues ont réduit l’utilisation. C’est une solution thérapeutique attractive chez les femmes jugées à risque sous pilule combinée.

Réduire la dose d’œstradiol a déjà permis de réduire le risque thromboembolique : autrefois dosés à150 mg, les pilules combinées délivrent maintenant entre 30 et 20 ug d’ethinyloestradiol, la plus faible dose pouvant être encore moins à risque pour les utilisatrices de pilules de troisième génération. Ces pilules de troisième génération augmentent de 70% le risque d’accident thromboembolique en comparaison aux pilules de seconde génération.

Il n’a pas été retrouvé de différence de risque thromboembolique entre le désogestrel et le gestodène, alors que le norgestimate a un risque identique au levonorgestrel. Les molécules spécifiques comme la drospérinone ou l’acétate de cyprotérone, ont été moins évaluées. Arrêtons nous un instant sur l’acétate de cyprotérone à la une de notre presse depuis que l’ANSM ait reconnu 4 décès en 26 ans sous ce composé (la fameuse « pilule » Diane 35, qui en fait n’en est pas une). L’acétate de  cyprotérone est un antiandrogène ayant de faibles propriétés progestogéniques, et qui en combinaison avec de l’éthinylestradiol est utilisé dans le traitement de l’acné, de l’hirsutisme et du syndrome des ovaires polycystiques, apportant en plus une efficacité contraceptive pour laquelle il n’avait pas l’indication en France (ce qui n’interdit nullement à un médecin de le prescrire).

Les pilules combinées contenant de la drospérinone augmentent de 70% le risque de thromboembolies en comparaison avec les pilules de seconde génération, qui restent actuellement les moins à risque. Si le risque avec l’acétate de cyprotérone a été insuffisamment évalué, des données disponibles montrent un risque également accru de thromboembolies : le risque est multiplié par 6,4 (640%) en comparaison aux femmes sans pilule et de 80% en comparaison avec les pilules de seconde génération.

Les porteuses de patch transdermiques contenant du norgestimate, en comparaison aux femmes prenant une pilule avec le même composé, ont un risque thrombolembolique accru de 50%. Les anneaux vaginaux délivrant du lévonorgestrel sont également associés à un risque accru de thromboembolie, un risque augmenté de 70% en comparaison à une pilule contenant le même composé. Ainsi, globalement la voie contraceptive non-orale accroit encore le risque thrombo-embolique. Il faut donc se méfier également de ce que peuvent écrire les journalistes comme ceux du journal Le Monde, François Béguin, Delphine Roucaute et Pascale Santi, qui dans un article du 17 janvier 2013 recommandait aux lectrices comme alternatives aux pilules de 3e et 4e générations, le «stérilet à la progestérone» (terme impropre), l’implant sous cutané, «un fin bâtonnet cylindrique de 4 cm qui diffuse de la progestérone en continu sous la peau»,  «Le patch, un timbre autocollant qui diffuse des hormones œstroprogestatives à travers la peau», et  «l’anneau vaginal», «qui ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale, mais souvent conseillés par les gynécologues», écrivaient brillamment ces 3 journalistes omettant curieusement d’indiquer que ces dispositifs avaient un  risque thromboemboliques supérieurs à ceux des pilules de 3e et 4e générations qu’ils étaient censés remplacer….

Les pilules contenant simplement un progestagènes sont une alternative en cas de contre-indication à la prise d’œstrogène. Il semble ne pas il y avoir d’augmentation du risque thromboembolique sous progestagènes seule.

Les dispositifs intra-utérins contenant de l’acétate de médroxyprogestérone augmentent le risque de thromboembolie (en comparaison avec des non utilisatrices) : ce risque est multiplié par 3,6. En revanche, concernant les dispositifs intra-utérins au lévonorgestrel, les données actuelles ne retrouvent pas de risques accru.

Ce risque est évidemment encore accru s’il existe un terrain privilégié. Certaines femmes ont des anomalies congénitales dites de thrombophilie qu’il est important de détecter avant mise sous contraceptif, car ces anomalies augmentent énormément le risque thromboembolique, en le multipliant parfois jusqu’à 30 fois. Sous pilule combinée, le risque thromboembolique est multiplié par 15 chez les porteuses d’un facteur V de Leiden, par 12.6 pour les déficits en antithrombine, par 6.3 pour les déficits en protéine et par 4.9 pour les déficiences en protéine S. l’obésité est un autre facteur de risque majeur de thromboembolie en cas de prise de pilule.

Ainsi, l’utilisation de contraceptifs combinés expose à des risques thromboemboliques accrus même si le nombre absolu de ces accidents restent faible. Ces risques surviennent essentiellement en début de traitement. Donc si vous vous interroger sur votre pilule, ne changez rien pour l’instant, allez voir votre médecin et/ou votre gynécologue qui sera le mieux placé pour répondre à vos interrogations, sans polémique, sans politique et sans démagogie (en tout cas mieux que les journalistes).

Le risque thromboembolique est donc plus élevé chez les femmes prenant une pilule contenant un progestagènes de  troisième génération, de la drospirénone ou de l’acétate de cyprotérone que chez celles prenant une pilule contenant un progestagènes de seconde génération. Par ailleurs, les dispositifs non oraux (transdermique ou anneau) exposent également à plus de risques thromboemboliques. Les pilules ne contenant qu’un progestagène et les dispositifs intra-utérins au lévonorgestrel, ne semblent pas, à la vue des données actuelles, accroitre le risque thromboembolique.

Source

Hormonal contraceptives and venous thromboembolism: An epidemiological update
Genevieve Plu-Bureau, Lorraine Maitrot-Mantelet, Justine Hugon-Rodin, Marianne Canonico
Best Practice & Research Clinical Endocrinology & Metabolism (2012) 1–10

 Genevieve Plu-Bureau : Department of Gynecology and Endocrinology, Hôpital Universitaires Paris Centre, Paris-Descartes University, Paris, France et Hormones and Cardiovascular Disease, CESP, U1018, Inserm, Villejuif, France

Lorraine Maitrot-Mantelet : Department of Gynecology and Endocrinology, Hôpital Universitaires Paris Centre, Paris-Descartes University, Paris, France

Justine Hugon-Rodin : Department of Gynecology and Endocrinology, Hôpital Universitaires Paris Centre, Paris-Descartes University, Paris, France

Marianne Canonico : Hormones and Cardiovascular Disease, CESP, U1018, Inserm, Villejuif, France et Paris Sud 11 University, UMRS 1018, Villejuif, France 

Epidemiology of the contraceptive pill and venous thromboembolism

Philip C. Hannaford
Thrombosis Research 127 Suppl. 3 (2011) S30–S34

Que faut-il faire lorsqu’on prend une pilule de 3e ou 4e génération ?
François Béguin, Delphine Roucaute et Pascale Santi
Le Monde, 17 janvier 2013

Pilules de troisième génération : Carlin, Cilest, Cycleane, Desobel, Edenelle, EE/désogestrel Biogaran, EE/gestodène Actavis, EE/gestodène Arrow, EE/gestodène Biogaran, EE/gestodène EG, EE/gestodène Teva, EE/gestodène Ranbaxy, EE/gestodène Ratiopharm, EE/gestodène Sandoz, EE/gestodène Zentiva, EE/gestodène Zydus, EE/gestodène Winthrop, Efezial, Effiprev, Felixita, Harmonet, Meliane, Melodia, Mercilon, Minesse, Minulet, Moneva, Perleane, Phaeva, Sylviane, Triafemi, Tricilest, Triminulet, Varnoline, Varnoline Continu.

Pilules de quatrième génération: Bélanette, Convuline, Drospirenone Ethinylestradiol Biogaran, Drospirenone Ethinylestradiol Biogaran continu, Jasmine, Jasminelle, Jasminelle continu, Rimendia, Yaz.

Crédit Photo Creative Commons by crisispregnancyprogramme

Articles sur le même sujet