Mardi 28 octobre 2014

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“Scandale des pilules” : la presse et les médias français font au moins 10 000 victimes

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En décembre 2012, mettant en avant la souffrance d’une jeune femme, Marion Larat, ayant fait un accident vasculaire cérébral alors qu’elle prenait une pilule, le journal Le Monde déclenche une vague médiatique anti pilule. Créer une peur généralisée à partir d’un cas particulier est une dynamique quotidienne pour la presse et, face à l’ignorance, la médecine est une cible toute désignée. Les conséquences médicales de ce «Scandale des pilules» sont dénoncées par un article publié dans la revue médicale française le Journal de gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction. Par peur des effets secondaires brandis par les médias, des milliers de femmes vont effectivement arrêter brutalement leur pilule. L’étude estime que les avortements, en conséquence directe de ce scandale médiatique, représentaient plus de 4 % des IVG entre le 18/02/2013 et le 30/04/2013. Extrapolé sur une année pleine, le phénomène médiatique ayant duré au moins un an, on peut donc estimé à 10 000, le nombre de femmes victimes de la presse et des médias français. Et si la souffrance psychologique qui résulte d’un avortement est difficilement chiffrable, en France, une femme sur 10 subissant un avortement souffre d’effets secondaires physiques durables. Bravo la Presse.

L’attaque avait été pensée et coordonnée : le 14 décembre 2012, le jour où l’avocat de Marion Larat déposait plainte contre le laboratoire Bayer, plusieurs articles du journal Le Monde alertaient sur le risque thromboembolique de la pilule de troisième génération. « Alerte sur la pilule de 3e et 4e génération » écrivaient les journalistes Sandrine Cabut, Pascale Krémer et Pascale Santi dans le journal. Des centaines d’autres articles et de reportages suivront dans l’ensemble des médias.

La presse déclencha ses attaques contre les prescripteurs, les laboratoires fabricants de pilules de 3e et 4e générations et les autorités de santé qui les avaient remboursées. La presse avait trouvé son angle d’attaque : Pourquoi les pilules de 3e et 4e générations étaient plus prescrites alors que le risque thromboembolique était supérieur à celui des pilules de deuxième génération? La réponse était simpliste : A cause de la pression des laboratoires et de la corruption des médecins : “Il fallait alerter l’opinion puisque les médecins ne bougeaient pas et que les lobbies étaient trop puissants » témoignait encore Marion Larat dans un récent article du journal Le Monde. La théorie du complot fait toujours recette.

Marion Larat était porteuse d’une anomalie génétique de la coagulation. Une pilule de deuxième génération aurait pu provoquer le même effet secondaire (AVC) et lui était également contre-indiqué. Peu importe, le rouleau compresseur médiatique tenait une histoire dramatique et allait faire son œuvre. Même la ministre de la santé Marisol Touraine ajoutait à l’édifice du lynchage public le retrait de la vente du médicament Diane 35 en mai 2013, un anti acnéique souvent utilisé comme produit contraceptif. Les vagues haineuses passent, mais les dégâts qu’elles causent persistent. Deux années plus tard, il est utile de dresser un bilan, non pas pour changer la presse qui ne fonctionnera jamais différemment mais peut-être pour éclairer l’opinion sur ses méthodes et ses intentions réelles?

Si le cas particulier de Mlle Larat a été reconnu, la commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI) des accidents médicaux ayant reconnu que son accident vasculaire cérébral résultait de ses quatre mois sous Meliane, en revanche, l’Agence Européenne du Médicament n’a jamais retenu aucun des atermoiements français : pour elle, les bénéfices des pilules de 3e et 4e générations restent supérieurs aux risques : “Il n’y a aucune raison pour qu’une femme qui prend un COC sans problème arrête sur la base de cette évaluation” (le dossier remis par la France), car, quel que soit le type de pilule utilisée, le risque reste faible :les risques d’accidents thromboemboliques avec tous les COC sont faibles et (…) il y a peu de différences entre pilules, selon le type de progestérone contenu“. En réalité, 2 femmes sur 10 000 sans pilule font un accident thromboembolique, chiffre qui monte à 5/7 pour 10 000 sous pilule de seconde génération et 9/12 sous pilule de 3e et 4e générations. Les variations de chiffres relatant le risque thromboembolique sont fonction des études menées. La réalité scientifique montre en fait un risque qui est bien moins que doublé entre les pilules de 2e et de 3e génération, mais la presse aime les chiffres ronds et accusateurs. On rappellera que la pilule est contre indiquée ou fortement déconseillée chez les femmes fumeuses, obèses, celles ayant des antécédents familiaux de troubles thromboemboliques ou les femmes porteuses d’une anomalie de la coagulation, Et comme l’a rappelé l’accident dramatique de Marion Larat, ces précautions d’emplois doivent être absolument respectées.

Mais il est une chose qui ne se rattrape pas, la confiance. La presse et ses journalistes ont détruit la confiance que les femmes mettaient en la pilule. Il était certain que les conséquences seraient lourdes. Elles le sont.

En septembre 2013, le ministère de la santé et sa ministre Marisol Touraine, avait affirmé, en se basant sur les chiffres de la Drees, que le nombre d’IVG en France était resté stable. Cette tentative d’étouffement de toute responsabilité gouvernementale fut rapidement dénoncée par les médecins et en particulier par Le Dr Nisand (Strasbourg). L’étude publiée dans la revue médicale Le Journal de gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction révèle enfin le rôle catastrophique de la presse et des médias en terme de santé publique, vérité que votre presse quotidienne ou hebdomadaire taira, de peur de se voir reprocher son rôle collaboratif.

En effet, la peur de la pilule créée de toute pièce par la presse française est directement responsable d’au moins 4,2% du nombre d’interruptions volontaires de grossesses, retrouve l’étude menée sur une durée de seulement deux mois. Extrapolé à partir du nombre annuel d’avortements, ce sont donc près de 10 000 femmes qui ont arrêté la pilule suite à la polémique médiatique, de peur d’un effet secondaire et sont tombées enceinte alors qu’elles ne le souhaitaient pas, 10 000 femmes victime de la folie médiatique.

L’étude a été menée sur onze centres totalisant 2300 IVG sur cette période dont 4,2% pour des grossesses survenues suite à un arrêt de contraception que les femmes déclaraient comme une conséquence directe des alertes médiatiques. Les pilules « interrompues par peur des informations véhiculées dans les médias » étaient de 2e génération dans 10 % des cas, de 3e génération dans 25 %, de 4e génération dans 48 % ou microprogestative dans 3% ont retrouvé les auteurs. Si Ils estiment “normal” d’informer la population des risques des différents moyens de contraception, néanmoins la présentation publique qui en a été faite en France “a généré une grande anxiété chez certaines femmes alors que le risque lui-même est faible”.

Statistiquement en France, environ 10% des avortements se compliquent d’un événement secondaire : Les complications peuvent prendre la forme d’une perforation ou d’une lacération du col de l’utérus, d’une implantation anormale du placenta, d’une inflammation pelvienne, d’une endométrite post abortum et pourront avoir des conséquences à plus long terme comme des cancers, des complications au cours des prochaines grossesses tels qu’un accouchement prématuré ou retardé, des nouveaux-nés handicapés, des grossesses extra-utérines, ou une stérilité.

L’étude ne peut pas dire si ces effets secondaires sont survenus et la sombre réalité de l’épidémiologie française empêchera surement de jamais identifier toute l’ampleur des conséquences de la cabale médiatique. Cependant statistiquement 1000 femmes ont subit ou subiront ces effets secondaires traumatisants.

Alors que des médicaments connus aux effets secondaires identifiés étaient légalement prescrits, Le journal Le Monde a, utilisé le drame particulier d’une jeune femme pour en apeurer des millions : l’irresponsabilité n’a pas de limite, ni de remords d’ailleurs puisque le journal Le Monde revenait encore avec fierté dans sa série de l’été Le Monde Festival  sur le lancement de ce scandale : “Cette « Alerte sur la pilule », comme titrait le journal, a fait évoluer le modèle contraceptif français”.

Faut-il suggérer à toutes ces femmes qui ont suspendu leur pilule par peur et ont souffert ensuite dans leur chair d’un avortement portent plainte contre le journal Le Monde? Où le droit à l’information prévaut t-il sur le principe de précaution? En tout état de cause, quand il s’agit de médicament, discutez en avec votre médecin plutôt qu’avec un journaliste.

Ces 10 000 avortements supplémentaires ont couté aux contribuables français 6 millions d’euros, bien moins que le sponsoring étatique de la presse mais quand même. A noter que 25% des femmes qui ont subit ce traumatisme de l’IVG à cause du déchainement médiatique étaient traitées par le médicament DIANE 35, un médicament depuis revenu dans les pharmacies françaises.

Et pour être complet, il est important d’ajouter une information que la presse française a oublié de partager avec vous. Une étude publiée cet été a montré que les pilules plus fortement dosées en oestrogène favorisent la survenue d’un cancer du sein, en particulier chez les femmes jeunes (Cf article Docbuzz). Or ces pilules sont plus souvent des pilules de seconde génération, vous comprenez leur embarras…

Sources

Enquête concernant le retentissement des alertes médiatiques sur la pilule
S. Pozzi-Gaudin, X. Deffieux, C. Davitian, N. Guerre, P. Faucher, F. Bacle, M. Teboul, P. Larmignat, M. Hatchuel, A. Benachi
le Journal de gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction Available online 30 September 2014

Effets secondaires des avortements : http://www.avortementivg.com/pages/Avortement_IVG__les_risques-684517.html

Pilule : Marion Larat, l’injustice transformée en combat

14 décembre 2012 : Marion Larat lance l’alerte sur la pilule
Le Monde.fr | 29.07.2014 à 14h23 • Mis à jour le 29.07.2014 à 16h32 | Propos recueillis par Catherine Rollot

Alerte sur la pilule de 3e et 4e génération
LE MONDE | 14.12.2012 à 11h35 • Mis à jour le 15.01.2013 à 09h09

L’Agence européenne du médicament reste favorable aux pilules de 3e et 4e générations
Le Monde.fr 

Crédit Photo Cerative Commons by  jroos

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