vendredi 4 décembre 2015

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la mortalité liée au tabac est sous-estimée

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La mortalité précoce chez un fumeur est 2 à 3 fois plus élevée que chez une personne qui n’a jamais fumé. L’excès de mortalité est actuellement expliqué par 21 pathologies dont le tabac accroit la fréquence. Parmi elles, 12 types de cancers, 6 types de maladies cardiovasculaires, le diabète, les pathologies pulmonaires obstructives chroniques et les pneumonies. Ces différentes pathologies tuent 500 000 américains, et plus de 100 000 français chaque année au total 7 millions d’êtres humain par an. Il semble cependant que le nombre de pathologies favorisées par le tabac soit encore très largement sous estimées. Plusieurs études épidémiologiques comparant la mortalité liée au tabac aux causes de décès ne pouvaient s’expliquer par les seules 21 pathologies.

Pour identifier d’autres pathologies dont la prévalence serait augmentée par le tabac et conduirait à un décès, des scientifiques américains ont utilisé les données d’une étude ayant suivi pendant 10 ans une population d’hommes et de femmes âgés de plus de 55 ans. Deux groupes étaient constitués, les fumeurs et les non fumeurs.. Un participant ayant arrêté de fumer était considéré comme fumeur. La consommation présente ou passée de chacun était analysée. Il s’avère que la très grande majorité des participants considérés comme fumeurs avaient en fait arrêté de fumer plus de 10 ans avant le début de l’étude. Les causes de décès ont été ensuite analysées pour 52 pathologies chez les fumeurs et les non fumeurs. D’autres facteurs confondant étaient pris en compte.

Sur les 10 années considérées, le nombre de décès/1000 personnes.année était de 3037 chez les non-fumeurs et 6 462 chez les fumeurs, respectant le doublement du risque de mortalité précoce identifié chez les fumeurs. Les 21 pathologies ne recouvraient que 83% des décès. Les autres étaient reliés à l’une des 31 autres pathologies que l’on ne pensait pas auparavant liée au tabagisme.

Il est important de rappeler que les participants avaient arrêté de fumer depuis 10 ans, soit vers 45 ans, démontrant que même après l’arrêt du tabac, le risque de mortalité précoce persiste et ne se normalise pas en comparaison à une population n’ayant jamais fumé. Les chiffres de mortalité auraient probablement été pires s’ils avaient continué de fumer

Les fumeurs avaient un risque de mortalité précoce accrue pour chacune des 52 pathologies recherchées en comparaison à ceux n’ayant jamais fumé. De nombreuses pathologies qui ne sont aujourd’hui pas répertoriées comme accrues par le tabagisme apparaissent finalement directement en lien avec le tabagisme. Ainsi le risque de mourir précocement d’un cancer de la prostate augmente de 40% chez les fumeurs, et le risque de mourir d’un cancer du sein de 30% chez les femmes. Les risques accrus de décès précoces par d’autres pathologies sont identiques chez les fumeurs et les fumeuses et considérablement augmentés en comparaison aux non fumeurs : le risque de mourir précocement d’une infection s’accroit de 230%, d’une insuffisance rénale de 200%, d’une ischémie intestinale de 600%,et d’une cirrhose de 300%.

L’importance du tabagisme joue également un rôle ; parmi les fumeurs, le risque de chacun de ces décès était d’autant augmenté que la consommation de cigarettes quotidiennes était importante, augmentant significativement par exemple le risque de cancer du sein ou d’insuffisance rénale au sein du groupe des fumeurs. Une bonne raison d’arrêter de fumer précocement est tout de même retrouvé : le risque de mourir précocement de toutes ces pathologies, mis à part de la cirrhose déclinait au fur et à mesure que s’éloignait le moment où fut fumé la dernière cigarette. Un risque persiste donc chez les ex-fumeurs, toujours plus important que chez les non-fumeurs mais qui peut se réduire.

Cette importante étude révèle qu’environ 20% des décès liés au tabac sont pour l’instant ignorés, ces pathologies ne rentrant pas dans les maladies reconnues comme liées au tabagisme. Elle révèle que nombre de pathologies gastro-intestinales sont accrues par le tabac, comme la cirrhose hépatique, ou la maladie de Crohn. De même pour les risque de cancers, auparavant limité à 12 types de néoplasies et dont dorénavant la liste s’allonge dramatiquement et inclue le cancer du sein, de la prostate et d’autres, où encore le risque d’insuffisance rénale, et d’infections

Ainsi les scientifiques estiment que le nombre des victimes du tabagisme est encore plus élevé qu’estimé, cette étude relevant le nombre de décès d’environ 60 000 victimes supplémentaires, pour les Etats-Unis (soit environ 10 à 15 000 pour la France).

Est-il encore nécessaire de se demander ce qu’attendent les pouvoirs publics pour agir? Accepterait-on qu’un médicament non indispensable et qui aurait tué précocement 30 personnes ne soit pas retiré du marché ? Le fait qu’il s’agisse de plus de 70 000 morts causés par le tabac rend t-il la lutte moins crédible ? Quelles complicités sont donc en oeuvre pour ne pas agir ?

Sources

Smoking and Mortality — Beyond Established Causes
Brian D. Carter, M.P.H., Christian C. Abnet, Ph.D., Diane Feskanich, Sc.D., Neal D. Freedman, Ph.D., Patricia Hartge, Sc.D., Cora E. Lewis, M.D., Judith K. Ockene, Ph.D., Ross L. Prentice, Ph.D., Frank E. Speizer, M.D., Michael J. Thun, M.D., and Eric J. Jacobs, Ph.D.
N Engl J Med 2015; 372:631-640 February 12, 2015

Smoke Alarm — Tobacco Control Remains Paramount
Graham A. Colditz,
N Engl J Med 372;7 nejm.org february 12, 2015

Crédit Photo Creative Commons by  Petit_louis

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